LimaTwo

Il parait que ca a fait du bruit. Mais j'etais dans la douche.

Donc j'eteins le jet, le secoue mes mains rapidos, et je saute sur le telephone et qui a deja sonne 3 fois. Une explosion, vers le rond point Masoud. A verifier. Peut etre une bombonne de gaz non, comme souvent ?
Un SMS, en fait ca serait plutot vers l'aeroport. Mmmh, ca devait etre fort quand meme, ca fait une grande zone.

Les SMS commencent a se croiser, on sent les memes sources qui tournent. On essaie de trouver des confirmations, sans savoir comment on les distinguerait de la masse de ragots qui augmente de minute en minute.
9 expatries dans un minibus, certaines sources disent, sur la route qui longe l'aeroport. Une embuscade, c'est presque sur. L'heure correspond aux habitudes, mais l'endroit et la cible pas vraiment. Ca sort des classiques un peu previsibles. Ca justifie deja bien qu'on boive un autre cafe avant de sortir ce matin. On sort les coussins et on essaie de trouver d'autres sources.

Dans ces moments il y a les cyniques, les flippes, mais je crois pas qu'il y en ait, la, et les froids. Il y a aussi ceux qui veulent juste aller au bureau parce qu'il y a une reunion et qu'il y en a marre des problemes de securite et des rapports d'incidents qui ne les concernent qu'indirectement et, de toutes les facons, de loin.

On attend de savoir...

Le pilote annonce l'atterrissage. Je me réveille en sursaut, déçu d'avoir cédé au sommeil : j'ai raté le survol de l'Est de la Turquie, de l'Iran et de l'Afghanistan. A moins qu'on l'ait évité et qu'on soit passé par le Nord ?

Le soleil est levé depuis quelques heures. A quelques kilomètres au dessus du sol, dans le cockpit climatisé, on voit déjà bien qu'il tape.

Des montagnes entourent la ville. Sur quelques-uns des sommets on voit des forteresses, pour la plupart assez anciennes, apparemment désertes (mais ca m’étonnerait).

Au dessus de la banlieue, on voit les fondations d'anciens bâtiments (je crois), qui se détachent sur le sol poussiereux. Des dizaines de rectangles vides alignés les uns sur les autres. Ou alors des champs ? Bofe, non, on dirait vraiment des fondations. Beaucoup.

Sac, passeport, visa, douane.

Dehors, il fait chaud. Et l’aeroport semble assiégé. Il y a des murailles de beton et des barbelés partout. Et des blocs sur les voies goudronnées. Du béton entre les bâtiments et le public. Chaque ouverture est protégée par une chicane.

Canalisé, j’avance tout droit en cherchant mes lunettes de soleil... Et puis non, autant montrer mes yeux d’inoffensif à la soldatesque qui jauge les passants d’un air endormi. Mon regard masqué, un geste brusque, on sait jamais, ils n’ont pas l’air méchant mais moi, je serais nerveux a leur place…

Ah, le dernier portail.

Kaboul !

Pas de roches ou de gravier ici, tout a été enterré depuis longtemps par le limon qu'on trouve partout en surface, amené ici par les fleuves qui descendent de l'Himalaya.

L'espace est rare. Les puissants accaparent d'autorité. La population accapare en sous main. Les réfugiés birmans prennent ce qu'ils peuvent. Aucun espace n'est laissé à l'abandon.

Les chanceux, qui sont généralement les plus puissants, ont un bout de terre sur une hauteur.

Quand cette hauteur n'existe pas, il faut la creer. Si possible, on gagne de l'espace sur l'eau. Sinon, on detruit les habitations. Des digues sont construites, qui s'ébrechent tous les ans pendant la saison des pluies, mais tout le monde le sait. Tout le monde a appris a vivre avec une digue.
Il y a ceux qui vivent derriere une digue, protégés, et qui savent qu'elle s'ecroulera tot ou tard. Il faudra etre pret.
Il y a ceux qui vivent sur une digue. Des rangées de "cabanes" sont construites sur les digues, formant des hameaux, des villages et parfois des villes entieres.

Et il y a ceux qui vivent devant les digues. Souvent se sont les plus pauvres, les plus mobiles, presque nomades, prets a se deplacer avec le niveau des eaux.

Au final, tout ce qui est durable est construit soit sur une hauteur, soit sur une digue.

Les jouets disparaissent regulierement de la piece ou les psychosocial workers s'occupent des enfants (des gamins de moins de 5 ans la plupart du temps, qui trouvent la une occasion rare de s'amuser dans un environnement adapte). La suggestion d'un salarie pour remedier au probleme : fouiller les enfants avant de les laisser partir ...

Sans commentaires, non ?

Enfin, l'idee nous a fait bien rire (jaune) pendant la pause.

Camp de "réfugiés officiels". Ma sortie de la journée, je me fais encore expliquer comment marche ce bazar. Au détour d'une allée, ce petit vieux, de dos.
Il a l'air bien pépère, callé sur sa chaise longue, sous le soleil du matin. Je l'envie.
Il porte un tee-shirt du "World Refugee Day" de 2009, avec un gros logo du HCR.

Je sors l'appareil, mais je n'ose pas prendre la photo : ca aurait de quoi un réfugié qui a l'air tranquille, meme vu de derriere ?

Je fais le tour. Il se redresse un peu et leve la tête. Normal. Je ne sais pas trop a quoi je m'attendais.
Je lui montre l'appareil et je fais les mimiques habituelles : "Ca t'emmerde si je prends une photo ?". Il sourit. Je prends ca pour un "oui de toute façon je suis relevé maintenant donc zyva". Photos. Je les lui montre une par une. On dirait que c'est OK.

Qu'est-ce qu'il se passe dans la tête d'un réfugié qui traîne là depuis au moins une vingtaine d'années et qui se fait prendre en photo pour peut-être la trentieme fois par un étranger qui aurait si ca se trouve le pouvoir de changer quelque chose, sur le papier, sans pour autant que grand chose ait bougé pour lui ?
Pas grand chose que je puisse visualiser, sûrement.

Quand je suis repassé, il n'était plus là.

C'est la.

Pas si loin du Bhoutan, en fait. Enclave dans l'Inde. De l'autre cote de la riviere Naf, on apercoit les miradors de la frontiere birmane / myanmaraise.

Chaud et humide en ete, un peu froid en hiver.

Au Nord, Cox's Bazar, une foret de beton. Le bruit des moteurs et des klaxons (ils abusent). Sur la plage, quelques surfeurs (mais il faut se lever tot).

Au Sud, sur une langue de terre, Teknaf, entre les collines et la riviere. Les palmiers, l'herbe fluorescente, les rizieres et les buffles.

Entre les deux, des camps, "officiels" ou "non documentes", de refugies Birmans, et particulierement des Rohingyas. Pas sur que ce soit une ethnie. Mais on peut par exemple lire dans le journal qu'ils volent les emplois des Bengladais  (qui n'ont cela dit pas grand chose a partager) "grace a leur culture, leur langage et leur apparence physique identiques".

Il y a du travail, mais il n'y aura probablement pas d'amelioration notable. 

A l'entree d'un des camps d'"illegaux" Rohingyas, concert de violon de recuperation sous un abri communautaire.

Je ne peux distinguer que deux composants de base :
- le corps d'un violon;
- une sorte de carter metallique de pompe ou de compresseur.

Evidemment, l'archet n'est pas d'origine.

Le resultat n'est pas mal. "Ca" produit un son electrique sans pour autant etre branche.
Le musicien et l'assistance ont l'air de plutot se marrer (bon, pas sur la photo cela dit).

Allez, pour patienter jusqu'a la prochaine mission (départ pour le Bengladesh dans quelques jours -d'ou le drapeau en haut a droite-), une description assez exacte d'un repas de fête (valable pour la Somalie et le Sud de l'Ethiopie) reçue ce jour d'un pote :

"... J espere que tu es avec tes Somalis, un bon BBQ de chevre arrose de fanta orange !! Des spaghetti a la sauce tomate et roule jeunesse!! ..."

Ca correspond tout a fait.

Attends, je devrais même pouvoir trouver une vieille photo ...

Plusieurs reunions politiques sont organisees dans la ville :

- des miliciens ont fait fermer toutes les boutiques du marche. Les recalcitrants sont battus a coup de crosse de fusil d'assaut. Les emplois du temps des civils ainsi liberes, ceux-ci sont pries d'aller assister aux meetings politiques. Difficile de les rater : se sont les seuls endroits publics dont l'accces n'est pas interdit a ce moment la.

- sur les lieux des meetings politiques : un grade de l'armee est charge du discours. Des militaires sont postes un peu partout. Des miliciens rodent. Le militaire commence son discours. Il conseille a tous les civils d'aller voter. Il leur conseille aussi de voter pour le parti au pouvoir.

Les elections arrivent, que les autorites annoncent a l'international comme "libres et democratiques".

Quelques petite histoires a noter ...

#   #   #

1 - Tot le matin...
L'unique affiche presentant les candidats presentes par l'unique parti presentant des candidats (celui au pouvoir) est collee sur le mur du bureau de l'administration locale (en face de l'enceinte occupee par la 12eme Division de la "Force Nationale de Defense Ethiopienne").

2 - Un peu avant midi...
Un plaisantin a arrache sur l'affiche les yeux de la tete de liste du parti au pouvoir (presentement chef de la securite au niveau regional).

3 - Un peu apres midi...
Une nouvelle affiche remplace celle ayant été abimee.

4 - Dans l'apres midi...
Un plaisantin a de nouveau arrache sur l'affiche les yeux de la tete de liste du parti au pouvoir.

5 - Fin d'apres midi...
Une troisieme affiche a remplace la seconde.
Un milicien, l'arme au poing, monte desormais la garde devant l'unique affiche presentant les candidats presentes par l'unique parti presentant des candidats.